> Georges Guibon
Les présidents des Amys du Vieux Dieppe de 1912 à nos jours
5ème Président des Amys du Vieux Dieppe, de 1935 à 1981
A cette mémorable assemblée constitutive des « Amys du Vieux Dieppe » du 5 mars 1912, organisée sous l’impulsion des Henri Cahingt père, Gustave Lavieuville, Georges Lebas, Camille Coche, Raymond Bazin, Baudelot (maire d’Arques-la-Bataille), Raoul Beuvin (publiciste), Fernand Bénet, Jean Cassel (pharmacien), Bettembos, (libraire), Ernest Dubois (statuaire), Alfred Poussier (pharmacien), et bien d’autres, Georges Guibon, 26 ans, se trouve dans la salle parmi la quarantaine de personnes présentes. On lit d’autre part son nom sur la liste des tout premiers adhérents. Il avait de qui tenir, de son père, Henri Florent Guibon, (1858-1909), qui exploita l’hôtel de Paris, place Camille Saint-Saëns, et qui épousa en 1885 Elisa Rose Modard, d’origine dieppoise.
Le 17 mars 1886, naît notre Président, Georges Eugène Guibon, dans les appartements de ses parents à l’hôtel de Paris, face au théâtre de la Duchesse de Berry. Son père était à l’époque une figure dieppoise. Il cumulait plusieurs charges : secrétaire du Conseil Presbytéral de l’Eglise Réformée de Dieppe. N’est-il pas aussi juge en1895, puis Président élu (deux fois successives, en 1904 et en 1906) du Tribunal de Commerce, membre de la Commission administrative des Hospices Civils, Président du Syndicat des Hôteliers et Restaurateurs de Dieppe ?
Selon Georges Lebas, Henri Guibon fut l’un des rares Dieppois connaissant à fond son histoire locale. Il avait aussi rassemblé pendant trente ans une précieuse collection de livres, de documents, de gravures sur Dieppe, collection qui était devenue une des plus importantes. Il offrit au Musée de Dieppe plusieurs objets et pièces de valeur.
« Dans un environnement privilégié, au contact duquel il acquiert une éducation fortement imprégnée des traditions bourgeoises, » écrit Gérard Bignot dans le numéro 192 de « Connaissance de Dieppe », le jeune Georges passe ainsi ses premières années dans cet hôtel de renom. Il fait ses études secondaires au collège de Dieppe, qui le mènent, en juillet 1903, à la 1ère partie du Baccalauréat Moderne avec la mention assez bien. Ses parents l’envoient aussitôt à l’école hôtelière de Lausanne, en Suisse. Il fit ensuite deux autres stages de plusieurs mois en Allemagne et en Angleterre. Il en revint diplômé et polyglotte, parlant couramment l’allemand et l’anglais.
Mais son père devait mourir en 1909, et de ce fait l’hôtel de Paris sera vendu quelques mois après à M. Millet.
Le service militaire entamé à son retour est vite écourté par une bronchite chronique, que l’on appelle aujourd’hui tuberculose. Pendant la guerre, il lui est refusé à trois reprises de partir sur le front. Georges Guibon se destine alors à une carrière d’industriel chez les frères Couaillet. Un an plus tard, il dirige la nouvelle usine de la rue Thiers. En compensation, l’usine Couaillet-Guibon se lance dans la fabrication de matériel de guerre, canons et obus, etc. Puis l’usine est vendue à un chimiste, M. Beck.
Enfin , Georges, reconnu apte au service militaire, part pour l’occupation de la Ruhr.
De retour, il s’installe au 41 de la rue Jehan Ribault, dans une maison qu’il dénomme « La Floride », en souvenir du capitaine de navire dieppois et protestant, Jehan Ribault.
Georges Guibon est nommé Directeur du Syndicat d’Initiative de Dieppe dès sa création, le 15 décembre 1919, et il demeura à ce poste jusqu’en 1961.
Chez les Amys du Vieux Dieppe qu’il n’oublie pas, Georges Guibon entre au Conseil d’Administration dès l’assemblée générale du 24 juin 1920. Il est trésorier jusqu’en 1925, puis Vice-Président de 1926 à 1935, et Président de 1935 jusqu’en 1981, soit plus de 45 années (et plus de 60 ans au Conseil d’Administration) !
Les réunions de Conseil d’Administration, les assemblées générales se tenaient dans une salle du Syndicat d’Initiative, sous les galeries du Casino jusqu’à la déclaration de guerre, en septembre 1939. Mais le Casino est alors transformé en hôpital militaire anglais. Et le Syndicat d’Initiative s’installe dans son nouveau local, 88 rue d’Ecosse, et se met en sommeil.
Les « Amys du Vieux Dieppe », grâce au Président Guibon, se replièrent aussi dans ce même local « provisoire ». Une assemblée générale s’y tint le 22 mars 1940 et dans le compte-rendu paru dans le Bulletin de 1940, sous la signature du Président Georges Guibon, nous y apprenons que Mlle Yvonne Maillet assure le secrétariat de la Bibliothèque du Soldat créée par le Conseil d’Administration. Un crédit de 200 francs est même voté.
Le Président Guibon écrit dans son rapport au Conseil d’Administration, « … nous avons organisé dans nos nouveaux locaux où nous avons dû emménager, en même temps que le Syndicat d’Initiative, la « Bibliothèque du Soldat », destinée non seulement à distraire les blessés, mais aussi les formations militaires alliées cantonnées à Dieppe. Plus d’un millier de livres et des brochures en grand nombre nous ont été offerts par une cinquantaine de personnes, Amyes du Vieux Dieppe ou habitants de la ville ou des environs ; nous avons reçu aussi quelques dons en argent, ce qui nous a permis d’envoyer aux mobilisés, A.V.D.,des livres. Et les lettres de remerciements qui nous ont été adressées, ont été le sûr garant que notre oeuvre a été appréciée. Nous avons l’intention en 1940 de continuer à vivre et d’imprimer au moins un bulletin, comme notre situation financière nous le permet. »
Seuls, quelques membres entourant le Président Georges Guibon, assurèrent les « affaires courantes » de l’association mais encore : en 1941, assurent l’édition des « Balcons dieppois », de Georges Borias, professeur au Collège Jehan Ango et l’édition d’une Table Générale de toutes les matières contenues dans les bulletins de 1912 à 1940, etc.
Il fallut attendre la Libération de notre ville, le 1er septembre 1944, pour que les activités reprennent.
Mais Georges Guibon n’allait pas rester inactif durant cette période d’occupation. Il se mit à ouvrir un « Journal de Guerre » dès août 1939, pour y noter, en dehors des journaux, et jusqu’en août 1945, tout ce qui allait se passer en notre ville. André Boudier y collabora bien sûr, ainsi que Yvonne Maillet secrétaire du Syndicat d’Initiative et quelques autres.
Quelques jours avant le 1er septembre 1944, Georges Guibon avec André Boudier parcourent les rues et les quais dieppois que les troupes allemandes, avant de fuir, avaient fait sauter à la dynamite. Le pont Colbert ne fut guère épargné. La plage également se trouve dans un triste état. Leurs annotations permirent d’apporter des précisions au « Journal de Guerre » qu’on ne trouverait nulle part ailleurs. « Ce récit, nous avertit l’auteur, n’est pas de l’histoire. C’est tout simplement celui de la vie d’un citoyen dieppois …et ce citoyen est prêt à accepter toutes les vérifications qu’on voudra bien lui fournir. » Ce « Journal » a été reconstitué à partir de trois copies incomplètes. Il se trouve précieusement conservé dans les archives de notre association. Trois passages de ce manuscrit, l’un concernant la période de mai et juin 1940, le « Raid du 19 août 1942 » et l’autre, la « Libération du 1er septembre 1944 », seuls, ont été édités.
Georges Guibon, Président des A.V.D., avec André Boudier, secrétaire général, songèrent à rassembler les membres du Conseil d’Administration, en allant même, pour certains, les rencontrer chez eux. D’autres, malheureusement, manquaient à l’appel et il fallut recruter.
L’assemblée générale, la première d’après-guerre, se tint le lundi 9 juillet 1947, « au siège provisoire » de la Bibliothèque municipale, 43 rue d’Ecosse. Plusieurs voeux entre autres, furent formulés : la restauration du château musée, la réfection des Tourelles, le remplacement des statues ou bustes enlevés par les Allemands, le prolongement du boulevard maritime vers l’esplanade du vieux château, la remise en état du square du Canada, la réédification de la Borne météorologique dans l’ancien jardin de l’hôtel de ville, mais aussi « la réinstallation dans les dépendances du vieux château, de la façade sculptée de la vieille demeure historique (1624), des n° 11, 13 et 15 rue d’Ecosse. »
Georges Guibon avait le sourire : il avait réussi avec le soutien de son secrétaire général, André Boudier, à rassembler les Amys du Vieux Dieppe. Et c’était reparti à une époque surtout où les Amys du Vieux Dieppe avaient un important rôle à jouer, notamment à la modification du Plan d’Urbanisme comportant des « destructions inutiles ». Georges Guibon, avec son équipe, venait de relancer non sans mal les activités de notre association, et cela allait se poursuivre jusqu’à l’année de son départ, en 1980. Il avait 95 ans certes, mais encore toute sa lucidité.
Le 25 mars 1981, dans les salons du café des Tribunaux, se réunissait le conseil d’administration pour élire le nouveau bureau, suite à la dernière assemblée générale du 18 mars précédent. Georges Guibon et Yvonne Maillet (qui fut 50 ans au sein de notre association), avaient donné leur démission. Henri Cahingt allait succéder comme Président, à Georges Guibon : Georges Guibon fut nommé Président honoraire et Yvonne Maillet, Trésorière honoraire. Et s’adressant à Georges Guibon, le nouveau Président lui dit : « Je vous ai toujours dit Monsieur… et pourtant ! »
Après les cadeaux d’usage, Georges Guibon devenu Président honoraire de dire à tous, levant sa coupe de champagne : « On fêtera mon centenaire dans cinq ans ! Je vous y invite tous ». Hélas ! le 2 mai 1981 Georges Guibon décédait, et après une cérémonie religieuse au temple protestant, rue de la Barre, il était inhumé dans le caveau familial, au cimetière de Janval, rue Montigny, en présence de ses Amys.
On peut dire que Georges Guibon a tenu aussi une place exceptionnelle dans la vie de notre association.
Par Claude Féron
Bibliographie de la famille Guibon
Généalogie de Georges Guibon et d'Alice Poulleau réalisée par Chantal Biville, notre adhérente, par ailleurs membre du Cercle Généalogique du Pays de Caux (logiciel Heredis)